CFP : « Citoyennes sans citoyenneté » dans la Révolution française : appropriations, reprises et discussions d’un concept (1989-2025)

Colloque international, Université Rennes 2, 10-11 juillet 2025


« Citoyennes sans citoyenneté », l’expression forgée par l’historienne Dominique Godineau en 1988 a fait date et stimulé la réflexion de bien des chercheuses et chercheurs pour penser les liens entre dynamique révolutionnaire, mobilisation populaire, rapports de genre et citoyenneté. Depuis plus de trente ans, les recherches se sont démultipliées pour l’interroger dans un monde du travail traversé par les questions du civisme, de l’ordre moral et sexuel, des horizons pluriels du bien commun – fileuses (Lisa Dicaprio), prostituées (Clyde Plumauzille), institutrices (Caroline Fayolle) marchandes de la Halle (Katie Jarvis). La famille, replacée au centre du jeu comme cellule de base de la vie politique, a fait voler en éclat les frontières du privé et du public et les contours du politique (Suzanne Desan, Jennifer Heuer, Anne Verjus). Prioritairement documentées à Paris, les pratiques politiques féminines sont encore explorées dans les villes de province, surtout en Provence (Laura Talamante, Martine Lapied), les territoires ruraux demeurant encore sous-explorés (Pauline Moszkowski-Ouargli, Solenn Mabo).
Suivant l’angle d’attaque des recherches, les contextes et les milieux sociaux étudiés, la périodisation envisagée, l’expression « citoyennes sans citoyenneté » se diffracte alors jusqu’à devenir plastique, adaptable à des formes d’action ou d’expression très variées. C’est une force et une clé de son succès, puisqu’elle continue de nous inspirer, stimule le dialogue entre divers ancrages disciplinaires, fédère des travaux sur la longue durée, de la fin du XVIIIe siècle jusqu’au droit de vote des femmes. Mais ces appropriations multiples font aussi courir le risque d’un emploi quelque peu automatique, autorisant des raccourcis susceptibles de diluer sa dimension réflexive, critique et éminemment politique.
Ce colloque vise donc à remettre cette notion sur le métier, en envisageant comment elle a été appropriée par la communauté des chercheurs, reprise et acclimatée en fonction des terrains d’étude explorés. La question recouvre les pratiques politiques organisées, réglées, publiques, les
manières de se réunir, s’assembler, s’associer, faire corps, pour exprimer son patriotisme ou faire avancer une cause ou une demande. Elle recouvre également les pratiques de défense, de recours, les stratégies discursives d’invisibilisation lorsqu’il s’agit par exemple d’échapper aux poursuites. Elle questionne encore les formes de participation dites informelles, ou non conventionnelles, à débusquer dans les relations familiales, les « dîners de veuve », les sociabilités quotidiennes... Sans épuiser d’autres propositions, quelques questions peuvent guider la réflexion :


➢ Féminin, masculin et mixité : Lieux, formes, périmètres de la participation politique : Comment participer, jusqu’où et avec quelle conscience de « faire de la politique » ? Dans quelle mesure des femmes agissent-elles en tant que sœurs, réunies entre elles, même si ce n’est pas forcément pour elles ?
➢ Stratifications (de genre, de classe…) dans les communautés : Dans quelle mesure est-ce une citoyenneté propre aux femmes, ou bien plus largement partagée par d’autres catégories exclues du droit de cité, qui se fabrique alors, autour de quels lieux, de quelles occasions, de quelles pratiques et avec quelles spécificités une fois replacées dans le paysage plus vaste de « l’âge des révolutions » ?


➢ Différences naturelles et liens politiques : Quel est le statut de la différence naturelle, ici la différence des sexes, en politique ? Est-elle séparative, comme on a souvent tendance à le penser, ou bien établit-elle un lien (par exemple entre l’électeur et les membres de sa famille) ?
Lorsqu’elles forment un « groupe de sexe », permettant de les considérer « en tant que telles » avec des intérêts propres, par qui, dans quels espaces et avec quelle portée ces discours sont- ils diffusés ?


➢ Traditions/Révolution (holisme vs individualisme)
Sur le terrain des pétitions, de l’assistance aux pauvres, de la vie religieuse, de la révolte, que reste-t-il de traditionnel dans des pratiques politiques significatives d’une expression neuve de la citoyenneté ? Où se situe le renouveau : dans l’élargissement social de la mobilisation, dans la référence aux droits, dans la réception du public et des autorités ?


Organisation
Cette manifestation se tiendra les 10-11 juillet à l’Université de Rennes. Organisé sous forme d’ateliers, l’événement laissera une large place aux discussions. Les communications orales seront brèves (10 mn) et viseront à exposer un problème, les sources mobilisées et les hypothèses à discuter. Elles prendront une forme plus étoffée pour la publication.
Pour plus d’information et pour proposer une communication, veuillez contacter Solenn Mabo (solenn.mabo@univ-rennes2.fr) & Anne Verjus (anne.verjus@ens-lyon.fr) avant le 15 novembre 2025.


Comité d’organisation :
Solenn Mabo, Université de Rennes 2, Tempora maîtresse de conférences en histoire moderne.
Anne Verjus, CNRS, UMR 5206, Directrice de recherche en Science politique.
Maria Goupil-Travert, Université Rennes 2, Tempora, doctorante et ATER en histoire.
Comité scientifique :
Clyde Plumauzille, Chargée de recherches en histoire au CNRS.
Gabrielle Radica, Université de Lille, professeure de philosophie.
Christine ADAMS, St. Mary's College of Maryland, États-Unis, professeure en histoire.
Manuela ALBERTONE, Université de Turin, professeure en histoire.
Rossella BUFANO, Università del Salento (Lecce, Italie), professeure en histoire.
Claire CAGE, University of South Alabama, États-Unis, professeure en histoire.
Denise DAVIDSON, Giorgia State University, États-Unis, professeur en histoire.
Dominique GODINEAU, Université Rennes 2, Tempora, professeure d’histoire.
Jacques GUILHAUMOU, directeur de recherche au CNRS émérite (histoire, sciences du
langage).
Martine Lapied, Université de Provence, UMR Telemme, professeure émérite en histoire.
Judith MILLER, Université d’Emory, États-Unis, professeure en histoire

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