Le Parfait Négociant (1675)

Savary, Jacques
Image
Le Parfait négociant, ou Instruction générale pour ce qui regarde le commerce de toute sorte de marchandises, tant de France que des pays estrangers... par le sieur Jacques Savary, 1675, L. Billaine, Paris.

Quote

"... quelques differens qui surviennent pendant le temps de la societé entre les femmes, cela ne fera point capable de rompre ni d'alterer l'amitié, & la bonne intelligence qui doit estre entre eux : car il est de dire que la plus-part des societez finissent avant le temps de leur écheance, par le caprice & la mes-intelligence des femmes..."

CHAPITRE XLIII.

De quelle maniere doivent vivre des Affociez, & de l'ordre qu'ils doivent tenir dans leurs affaires.

La premiere chose que doivent avoir deux Associez est l'amitié, & la deference l'un pour l'autre, car c'est d'où dépend tout le bon-heur, ou le mal-heur de leurs affaires communes.

La deference procede de l'amitié respective que des Associez ont l'un pour l'autre, sans laquelle ils n'agissent qu'avec desordre & confusion; parce que la deference qui est entr'eux, fait qu'il ne s'entreprend rien sans l'avis & le consentement mutuel de l'un & de l'autre, & cette bonne intelligence fait qu'ils travaillent & agissent chacun en particulier pour le bien commun de la societé.

Au contraire, s'il n'y a point d'amitié ni de deference entre des Associez, ils ne s'accordent jamais bien ensemble, en toutes les entreprises qu'ils font pour leur negociation; ils n'y reüssissent jamais la raison en est que se contrariant toujours l'un, & l'autre, & ne faisant jamais rien de concert, ils ne sçavent ce qu'ils font, & l'un défait, ce que l'autre a fait, ainsi toutes leurs affaires vont en desordre & en confusion.

La seconde chose à observer, est de si bien regler les choses par l'acte de societé, que rien ne puisse alterer l'amitié & la bonne intelligence qui doit estre entre eux, & pour cela j'estimerois à propos qu'ils vécussent chacun en leur particulier; parce que rarement les femmes s'accordent-elles ensemble sur les heures du manger, & sur la qualité des viandes dont chacune d'elles voudroit avoir le choix.

La troifiéme, est de prendre une bonne & ferme resolution, que quelques differens qui surviennent pendant le temps de la societé entre les femmes, cela ne fera point capable de rompre ni d'alterer l'amitié, & la bonne intelligence qui doit estre entre eux : car il est de dire que la plus-part des societez finissent avant le temps de leur écheance, par le caprice & la mes-intelligence des femmes, dont bien souvent les maris veulent par une sotte complaisance, prendre inconsiderement le party.

La quatrième, est de partager entre eux les choses à quoy ils doivent estre employez, tant en l'achat qu'en la vente des marchandises, à tenir la caisse & le livre de raison, & regarder à quoy l’un & l'autre feront plus propres.
 

Sources

Jacques Savary, Le Parfait négociant, ou Instruction générale pour ce qui regarde le commerce de toute sorte de marchandises, tant de France que des pays estrangers... par le sieur Jacques Savary. Paris : L. Billaine, 1675, tome 2, p. 3-4 (chapitre 43).  Trancription by Alain Kerhervé. Full text in Gallica.