Abstract
Inauguré en 1711 par la reine Anne, l’hippodrome d'Ascot fit partie de ces lieux de rendez-vous préférés de la société britannique du XVIIIe siècle. L’évolution de l’architecture du terrain de courses favorisa l’apparition de nouvelles formes de sociabilité. Site révélateur des mœurs britanniques, Ascot attira la curiosité des voyageurs, artistes et écrivains au-delà des frontières nationales. Nous nous intéresserons ici aux pratiques qui firent d’Ascot un lieu à la mode.
Keywords
Origines, évolutions et architecture d’un domaine royal
L’hippodrome d’Ascot, ‘cottage de l’est’ selon son étymologie,1 se trouve dans le comté du Berkshire, dans le Royal Borough de Windsor, près du château de Windsor, à environ quarante kilomètres de Londres. Les origines des courses de chevaux remontent au début du XVIIIesiècle. En 1711, cet ancien domaine, principalement destiné aux activités de chasse, a accueilli la toute première course hippique.
- 1. Sean Magee, Ascot: The History (London: Methuen, 2002), p. 13.
Le rôle du cheval est central dans la culture anglo-saxonne. C’est à partir de la pratique de la chasse à courre que s’est développée la pratique sportive de l’hippisme. La chasse étant, par excellence, le passe-temps de prédilection de la noblesse britannique depuis le Moyen Âge, elle figurait aussi en tête des récréations préférées de la reine Anne. Dernière descendante de la lignée des Stuart, amazone et chasseresse confirmée, elle avait été initiée aux pratiques hippiques par son père, le roi James II, duc de York, et par son oncle, le roi Charles II.2 À l'occasion d’une de ses promenades à cheval dans la forêt de Swinley (Swinley Bottom), à proximité d’Ascot, elle ordonna la construction de chenils pour les chiens de chasse.3 Fascinée par l’étendue du terrain qui permettait aux chevaux de galoper aisément, elle estima que le champ d’Ascot était l’endroit idéal pour l’organisation d’une course de chevaux à l’image de celles de Newmarket.4 Au mois d’août de la même année, elle inaugura les premières courses et signa ainsi le début d’une longue tradition dans la pratique de l’hippisme en Angleterre.
- 2. Le roi Charles a été le fondateur des courses de chevaux de Newmarket.
- 3. Aux Archives Nationales de Kew (TNA) sont conservés plusieurs plans de ces enclos destinés aux chiens de race Buckhound. Leurs modifications datent de 1805. (CRES 35/5, LR4/14/204, MPE 1/1077/5, MPE 1/1077/6, MPE 1/1077/7, MPE 1/1077/8).
- 4. Mike Huggins, ‘Racing Culture, Betting and Sporting Proto-Modernity: the 1750 Newmarket Carriage Match’, Journal of Sport History (vol. 42, n° 3, 2015), p. 322-339.
En 1813, le ‘Windsor Forest Act’ décrété par le Parlement britannique instaura une loi d’enceinte qui protégeait de l’exploitation agricole les terres sur lesquelles se déroulaient les courses. Cette loi garantit la préservation de ce terrain et assura leur pérennisation. Le succès des événements sportifs célébrés à Ascot connut une brève période de déclin après le décès de la Reine Anne. Ceux-ci reprirent véritablement en 1744,5 grâce au Prince Guillaume Auguste, Duc de Cumberland, hippophile et parieur reconnu. Il fréquenta Ascot jusqu’à sa mort et il participa à des courses avec son meilleur cheval, Éclipse, considéré comme le cheval le plus performant de toute l’histoire d’Ascot.6
- 5. En 1720, plusieurs courses ont eu lieu à Ascot, néanmoins, la participation à celles-ci était limitée aux chevaux utilisés par les chasseurs des Royal Buckhounds. Le prix à emporter était une plaque de 30 guinées, destinée aux chasseurs. Voir Dorothy Lard, Royal Ascot (London, Sydney Auckland Toronto: Hodder & Stoughton, 1976), p. 20.
- 6. Voir James Chrystie Whyte, History of the British Turf (London: H. Colburn, 1840).
Un calendrier des événements fut défini dès les premières rencontres sportives et les courses étaient fixées selon les jours de la semaine. La distinction des compétitions devait répondre à deux critères fondamentaux : la race des chevaux concurrents, classés selon leur poids et leur âge, et le prix, d’un montant variable selon le prestige de celle-ci. Quoique le calendrier n’ait cessé d’évoluer, les courses les plus emblématiques, comme la Gold Cup, avaient toujours lieu le jeudi. Elles furent officiellement enregistrées dans l’Annual Racing Calendarà partir de l’année 1727.7 Dès lors, les festivités démarraient traditionnellement le mardi par l’ouverture royale et les courses, et duraient jusqu’au vendredi, jour où la qualité et l’intérêt des courses étaient moindres en raison du départ progressif du public.
- 7. La première publication de ce calendrier sous le titre de Historical List, or Account of All the Horse-Matches Run, and of all the Plates and Prizes run for in England (of the Value of Ten Pounds or upwards) a été effectuée par John Cheny Arundel en 1727 (Magee 21).
La première grande course inaugurée à Ascot fut la Gold Cup, introduite en 1772 par le Duc de Cumberland (Magee 26). Néanmoins, la véritable compétition, telle qu’elle est encore pratiquée aujourd’hui, fut établie par la reine Charlotte, en 1807. L’année de sa première édition, le prix de la Gold Cup était d’une valeur de 100 guinées. Cette course confirma le prestige d’Ascot par rapport aux hippodromes de Newmarket et d’Epsom. Quelques années plus tard, le roi George IV fut à l’origine de la tradition des processions de carrosses royaux qui défilaient sur le terrain avant le début des courses.
En 1834 deux nouvelles courses furent ajoutées. La Royal Hunt Cup, désignée ainsi en l’honneur du ‘Master of the Royal Buckhounds’, l’officier maître des chevaux de la couronne britannique, rappelait l’influence de la chasse dans l’évolution des pratiques hippiques à Ascot. Fut alors ajoutée, pour la première fois, une nouvelle modalité sportive : la course de galop avec handicap.8 La deuxième course introduite en 1834 fut la St James’s Palace Stakes et, plus tard en 1838, la course de ‘The Queen’s Vase’ pour commémorer le couronnement de la reine Victoria.
- 8. Cette course obligeait les chevaux au port d’un poids supplémentaire, le handicap, en fonction de leur valeur. Haydn évoque cette particularité dans son journal lorsqu’il se rend à Ascot en 1792.
Au fil du temps, le terrain et l’architecture de l’hippodrome furent transformés.9 En 1711 la course s’effectuait sur une lande d’une forme légèrement triangulaire aux extrémités et prolongée par une partie en ligne droite qui allait jusqu’aux espaces de Swinley Bottom, près des enclos bâtis par la reine Anne pour les chiens Buckhounds. La forme triangulaire du terrain, consolidée depuis 1810, demeure le trait distinctif de l’hippodrome (Magee 441). Dans son London Notebook, le compositeur autrichien Joseph Haydn (1732-1809) consacra une entrée à Ascot. En outre, il indiqua la large fourchette du coût des billets allant de ‘1 à 42 shillings par personne’ (Haydn 255), esquissa les caractéristiques formelles du terrain de courses et détailla les capacités d’accueil de spectateurs, en fonction de leur appartenance sociale.
- 9. Sean Magee a esquissé les changements successifs de la forme du terrain au cours de quatre temps forts (1810, 1860, 1910, 1960).
On 14th June [1792] I went to Windsor and from there 8 miles to Ascot Heath to see the races. These horse races are run on a large field, especially prepared for them, and on this field is a large circular track 2 English miles long and 6 fathoms wide. It is all very smooth and even, and the whole field has a gentle upward slope [...].10
- 10. The Collected Correspondence and London Notebooks of Joseph Haydn, ed. H.C. Robbins Landon (London: Barrie and Rockliff, 1959), p. 255, 257.
La mise en place progressive du calendrier de courses attira un nombre croissant de visiteurs et de participants. Ceci favorisa la construction d’emplacements, notamment des tribunes, pour le public et parmi celles-ci, le Royal Stand, ou Royal Box,11 dont les changements furent nombreux comme l’attestent les échanges épistolaires entre les différents acteurs des projets de construction entamés depuis au moins 1792.12
- 11. Les gravures de l’hippodrome d’Ascot des années 1830-1845 rendirent célèbre cette tribune, souvent mise à l’honneur dans les peintures de J. Pollard.
- 12. Voir lettre ci-contre et son transcript: ‘16th June 1792/ Lord Sandwich Stand for his R.M. the Prince of Wales at Ascot Races. /2 Enclosures restº [sic.] to L.S. / Rec. 7th June 1792/ Ans. 7th [?] that it was impossible to have a Stand fitted up, before the [time] Day, the time being too short.’, Lord Sandwich, 1979, TNA, CRES 35/5.
L’année suivante, en 1793, George Slingsby construisit une nouvelle tribune, la Old Betting Stand et les travaux de construction du Royal Stand se poursuivirent jusqu’en 1845. À compter de 1822, ceux-ci s’accélèrent en raison de la visite à Ascot de l'empereur Nicolas Ier de Russie. À la demande du roi George IV, un deuxième étage, dessiné par le fameux architecte John Nash, fut ajouté à la tribune du Grand Stand. Les deux étages, outre l’augmentation de la capacité d’accueil des spectateurs, permirent de séparer hommes et femmes selon les étages.13 Jusqu’en 1850,14 plus de sept stands furent édifiés sur le terrain. En 1876, l’accès au Royal Stand fut définitivement renforcé par une clôture de sécurité pour protéger la famille royale des émeutes.15
- 13. Plus tard, en 1873, cette séparation concerna également l’élite aristocratique famille royale lorsqu’on édifia la Tribune de la Reine (The Queen’s Stand).
- 14. Des ajustements de plus en plus modernes ont entraîné des réaménagements majeurs à Ascot, comme l’arrivée du chemin de fer en 1856.
- 15. ‘Drawing for proposed additional Iron Fencing securing approaches to the Royal Stand’, Ascot 1876, lettre à destination de Charles Gore, TNA, File 5254, CRES 35/5.
Ces aménagements successifs ont affecté les interactions entre les spectateurs en créant des espaces de mixité sociale et parfois, ils servirent de cadre pour les rencontres diplomatiques de la famille royale et des monarques et aristocrates étrangers. L’hippodrome d’Ascot fit ainsi partie de ces lieux incontournables dans les visites officielles de monarques étrangers. Comme l’évoque le journal français l’Espérance, celle du tzar Nicolas Ier de Russie fut particulièrement controversée :
Le séjour de l’empereur Nicolas à Londres défraye toujours les journaux anglais et par contrecoup les journaux de Paris. S.M.L. a assisté aux courses de chevaux d’Ascot, spectacle tout anglais, et elle a fondé un prix de 12,500 fr. qui seront payés annuellement toute sa vie durant. Une grande revue a eu lieu dans le parc de Windsor en l’honneur de L.L.M.M. le roi de Saxe et l’empereur de Russie. Il y avait 5,000 hommes sous les armes. La reine Victoria était présente, en calèche découverte. Le duc de Wellington a donné un grand diner au czar dans la salle de Waterloo… Nous ne suivrons pas les journaux dans les conjectures sur le but politique de ce voyage : elles nous paraissent trop aventureuses […].16
- 16. L’Espérance (Paris : vol. 6, 11 mai 1844).
La célébrité de l’hippodrome s'amplifia surtout à partir de 1840, lorsque le magazine britannique The Illustrated London News diffusa des gravures de son architecture et des scènes de sociabilité.
Un lieu de plaisir à la mode et un lieu d’attraction au-delà des frontières nationales
Le caractère formel ainsi que l’ampleur et la solennité croissantes des festivités ont très tôt modifié les pratiques de sociabilité à Ascot : la rencontre sportive devint le prétexte d’un rendez-vous social majeur dans le calendrier de l’élite britannique dès la fin du XVIIIe siècle.17 Lorsque le secrétaire en Chef pour l’Irlande, Richard Rigby (1722-1788) arriva à Londres en 1752, il trouva la capitale vide et s’adressa en ces termes au Duc de Bedford, John Russell (1710-1771) :
- 17. Voir le Journal politique pour l’année 1766, rédigé par Pierre Rousseau (1716-1785). Pierre Rousseau, Journal politique (Paris : A. Bouillon, avec approbation et privilège, juin, deuxième quinzaine), p. 64.
And now to send you what little news have been able to pick up yesterday; for the day we landed, Ascott Heath races had engaged the few people that remained in town, and I could find no soul to dine or to supe with. In short, I have seen but three intelligent beings, Lord Waldegrave, Fox, and Harris.18
- 18. Correspondence of John, Fourth Duc of Bedford: selected from the originals at Woburn Abbey, with an introduction by John Rusell, ed. John Bedford, John Rusell (London: Brown & Green & Longmans, Paternoster-Row, 1843), vol. II, p.110.
En effet, durant la semaine des courses hippiques d’Ascot, d’autres activités culturelles et sociales virent le jour, à l’image des loisirs dans les jardins de plaisirs, comme à Vauxhall.19 Les divertissements étaient nombreux : les participants pouvaient entendre des interludes de musique classique, des chants de glee ou participer à des bals. D’autres activités sportives se déroulaient durant les temps de pause entre les courses. Les jeux de roulette, les combats de boxe et de coqs attirèrent des parieurs qui multipliaient ainsi leurs possibilités de gain, et des commerçants qui en tirèrent profit pour leurs négociations. En outre, des spectacles plus populaires de jongleurs, comme les exhibitions, ou des petites expositions dans les kiosques étaient courants. Haydn s’exprima sur ces pratiques analogues :
Among other things a single large stall is erected, wherein the Englishmen place their bets. The King has his own stall at one side. I saw 5 heats on the first day, and despite a heavy rain there were 2000 vehicles, all full of people, and 3 times as many common people on foot. Besides this, there are all sorts of other things puppet-plays, hawkers [...], horror plays [...]which go on during the races; many tents with refreshments, all kinds of wine and beer, and many Io-players [...], a game which is forbidden in London. (Haydn 255, 257)
- 19. Marie-Madeleine Martinet, ‘Vauxhall’, The Digital Encyclopedia of British Sociability in the Long Eighteenth Century. https://www.digitens.org/en/notices/vauxhall.html
Ces épisodes favorisèrent, à partir de 1800, l’interaction entre l’élite aristocratique et la ‘middling-class’ et, plus largement, le mélange de pratiques culturelles populaires et aristocratiques dans un même contexte et espace. En 1839, Flora Tristan, autrice et voyageuse, révolutionnaire aux sympathies socialistes, se rendit à Ascot pour compléter ses enquêtes sur les mœurs anglaises, attirée par la spécificité de ‘cette grande fête’ qui, selon elle, offrait un ‘attrait universel pour les Anglais de tout âge, de toutes conditions’.20 Elle y observa la présence de communautés culturelles nomades :
- 20. Flora Tristan, Promenades dans Londres (Paris: H.L. Delloye, 1840), p. 215-216.
Je remarquai aux courses d’Ascot une immense quantité de Bohémiens tirant la bonne aventure avec un prodigieux succès, particulièrement parmi les gens du peuple. Cette nation errante, qui se trouve en tous pays sur la surface de notre vieux monde, vivant d’aumônes, de larcins et d’adresse dont l’existence est encore plus inexplicable que celle des Juifs […] ; cette nation a conservé, encore plus que les Juifs, l’intégralité de son caractère primitif. Je vis là des familles tout entières, à la peau noire et basanée, aux cheveux noirs, lisses et huileux, aux dents blanches, aux yeux pleins d’un feu mélancolique. Ces gens portaient le costume de leurs pères, et ils en parlaient la langue entre eux, langue que parlent aussi toutes les tribus de Bohémiens d’Europe, en Asie et en Afrique. (Tristan 215-216)
Ce contexte permit l’apparition de nouvelles situations de convivialité et de partage. Étant donné la durée des courses, des intervalles étaient consacrés à des collations pouvant prendre la forme de pique-niques, célébrés notamment lors des visites de personnages illustres. Pendant ces pauses gastronomiques, on buvait du sherry, du gin ou de la bière. Dès les années 1800, sur le terrain d’Ascot, il était possible de consommer de la glace, un produit de luxe, mais aussi d’acheter des rafraîchissements à des vendeurs ambulants ou dans des kiosques. On retrouve ces scènes de ‘sociabilisation’ autour de mets et de boissons dans les gravures de Frederick James Smyth (1841-1867) :
Au-delà de la performance sportive, les courses de chevaux offraient un spectacle hétérogène, révélateur des mœurs et des pratiques de sociabilité anglaises. Cette rencontre d’exception devint un sujet de création artistique qui attira des peintres comme Epson, Géricault, Pollard ou Stubbs, des auteurs anglais, comme Jonathan Swift21 et Daniel Defoe. Un récit épistolaire aux origines obscures, A trip to Epsom and Ascot races ; in a series of laughable adventures, signé par Miss Wihelmina Flounce, illustre les conventions sociales et les divertissements de ce lieu à mode sur un ton comique. L’autrice adresse également un poème à sa correspondante, Miss Amelia Honeysuckle, dans lequel elle résume son séjour à Ascot : ‘The Races, Dear Minny, are over/ You can't think how gay we have been ! / I hate you for living at Dover/ I like so to tell you what I've seen: […]’.22
- 21. Dans une lettre du 19 juillet 1711 de son Journal to Stella, Jonathan Swift écrit : ‘The Queen was abroad to-day in order to hunt; but, finding it disposed to rain, she kept in her coach; she hunts in a chaise with one horse, which she drives herself, and drives furiously, like Jehu, and is a mighty hunter, like Nimrod’. Jonathan Swift, Journal to Stella, ed. J. K. Moorhead (London: J. M. Dent & Sons LTD, 1955).
- 22. Wihelmina Flounce, A trip to Epsom and Ascot races; in a series of laughable adventures. By Miss Wilhelmina Flounce. To which is appended a description of a race ball. The illustrations designed by Cruikshank and Phillips. (London: W. Kidd; H. & E. Sheffield, [c.1837]).
Ascot suscita la curiosité des voyageurs étrangers et s’affirma comme une étape privilégiée dans l'itinéraire du voyage en Angleterre. En France, la tradition des courses se développa plus tardivement et, par exemple, l'hippodrome de Chantilly se distingua seulement à partir de 1840.23 Le célèbre écrivain romantique Théophile Gautier évoqua l’agitation autour des courses d’Ascot :
- 23. Théophile Gautier, Caprices et Zigzags (Paris : Victor Lecou, 1852), p. 210.
Il y avait, ce jour-là, à Ascot, le Chantilly de Londres, des courses, ou, comme on dit ici, des races ; et tout cède devant ce grand plaisir national. […] La course terminée, ce qui a lieu à peu près vers quatre heures, tout ce monde d’équipages, de diligences, d’omnibus, presque tous menés four in hand, se précipite vers Londres avec une confusion joyeuse qui ne serait pas sans périls si les cochers n’étaient merveilleusement habiles, et d’autant plus prudents qu’ils sont plus ivres. 24
- 24. Le recueil de Théophile Gautier, Caprices et Zigzags, est constitué de textes que l’auteur a rédigés avant 1845, date de publication de la première édition de l’ouvrage.
/node/503La popularité d’Ascot et l’assiduité d’un public de plus en plus divers entrainèrent aussi un certain nombre de désordres (escroquerie, délinquance, vols à la tire, etc.) et de pratiques de sociabilité subversives,25 telles la prostitution et les beuveries, souvent relevées et dénoncées par les visiteurs, notamment étrangers:
- 25. Le texte de W. Flounce évoque ces scènes. Dans le volume 1 de l’année 1844 de The Illustrated London News plusieurs colonnes relatent ces incidents.
Je vis des femmes se trouvant mal ; d’autres qui dormaient ; des hommes balbutiant l’impudence, et d’autres chez lesquels l’ivresse se montrait plus dégoutante encore, […] ; mais tout cela était mortellement ennuyeux et révoltant. […] les hommes, assis autour de grossières tables en bois, mangeaient du lard avec du pain bis (contenant le son), buvaient de la bière ou du gin (genièvre) et fumaient du tabac exécrable ! […] les femmes qui dansaient étaient des filles publiques de bas étage […]. (Tristan 215)
Ainsi, ce corpus restreint de récits viatiques met en lumière quelques éléments majeurs qui ont modifié les interactions sociales dans l’hippodrome d’Ascot, notamment dans la première moitié du XVIIIe siècle. Les témoignages de voyageurs et de voyageuses étrangers auxquels s’ajoutent ceux des auteurs et artistes britanniques révèlent les effets de l’évolution des espaces et de l’architecture sur les pratiques de sociabilité et annoncent les mutations amorcées par la protomodernité autour d’une pratique sportive historiquement ancrée dans les mœurs anglaises.26
- 26. Je remercie Véronique Léonard-Roques et Kimberley Page-Jones pour les pistes de réflexion qu’elles m’ont suggérées pour l’écriture de cette notice.
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Further Reading
Grech, Nikolaĭ, Nikolai Gretsch's Travel Letters. Volume 1 Letters from England, ed. Ben P. Robertson, Ekaterina V. Kobeleva (London: Anthem Press, 2021).
Huggins, Mike J., ‘More Sinful Pleasures? Leisure, Respectability and the Male Middle Classes in Victorian England.’, Journal of Social History (vol. 33, no 3, 2000), p. 585–600.
Huggins, Mike, ‘Ascot’, in Levinson, D. and Christiansen, K. (eds.), Berkshire Encyclopaedia of World Sport (Great Barrington, MA: Berkshire Publishing, 2005), p. 97-99.
Huggins, Mike, ‘Racing and the Middle Classes’, in Mangan, J.A. (ed.), A Sport-Loving Society: A Victorian and Edwardian Middle-Class England at Play (Frank Cass, 2005).
Huggins, Mike, ‘Horseracing’, The Digital Encyclopedia of British Sociability in the Long Eighteenth Century [online]. https://www.digitens.org/en/notices/horseracing.html
Hughes G.M., The origin of the Ascot Races: A stray chapter from an unpublished history of Sunninghill and the Forest (London, York Street, Covent Garden: George Bell&sons, 1887).
Roche, Daniel, ‘Equestrian Culture in France from the Sixteenth to the Nineteenth Century’, Past & Present (vol. 199, 2008), p. 113–145.
Von Mallinckrodt, Rebekka (ed.), A Cultural History of Sport in the Age of Enlightenment (1650‒1800), in vol. 4 of Bloomsbury Cultural History of Sport (London: Bloomsbury, 2021).